"On bullshit" de Harry G. Frankfurt
[Traduction chez 10/18:
"De l'art de dire des conneries",
78 pages]


Les quelques commentaires lus sur ce mince essai m'amènent à me demander si c'est le même texte que j'ai eu dans les mains et si j'ai bien compris le propos de l'auteur. Le fait d'avoir lu la version allemande ne devrait pourtant pas faire tant de différence.

Ce texte ressemble plus à un mémoire d'étudiant qu'aux travaux d'un philosophe émérite. Et comment le bon élève lance généralement son devoir? En regardant la définition dans le dictionnaire. Ici l'auteur consulte L'Oxford English Dictionnary. Il complète cette première définition par celle du terme voisin de "humbug" selon Max Black:
"une fausse représentation trompeuse de sa pensée, de ses sentiments ou de son comportement, touchant au mensonge, particulièrement par un caractère prétentieux en paroles ou en acte" [ "a deceptive misrepresentation, short of lying, especially by pretentious word or deed, of somebody's own thoughts, feelings or attitude" ].

Frankfurt ne fait guère plus que de commenter en détail et d'établir que la distinction entre 'connerie' et 'mensonge' provient de l'indifférence du baratineur à l'égard de la vérité quand le menteur est convaincu de dire ce qui est faux.
Quand le menteur estime tromper doublement son interlocuteur, sur les faits et sur ce qu'il pense, le second se moque éperdument de savoir si son discours est fidèle à la réalité ou non, ne se pose pas la question de l'existence d'une vérité, du moment qu'il parvient à son but.

Tout philosophe est habitué à s'élever contre le sens commun et c'est probablement par réflexe que Frankfurt estime les conneries plus dangereuses que les mensonges. Il nous invite à nous demander pourquoi nous sommes en général plus indulgents envers les bonimenteurs qu'envers les menteurs. Le baratin, me semble-t-il, a quelque chose de poétique auquel on ne saurait renoncer. Dire 'je me sens aussi misérable qu'un chien écrasé' est peut-être une connerie, mais le message est d'une clarté fulgurante et chacun peut y démêler le vrai du faux. Le mensonge, par contre, nous met au risque de tenir des choses vraies pour fausses et vice-versa.

Il s'interroge encore sur les conditions favorables au baratin: liberté voire devoir ou contrainte de s'exprimer et de se prononcer sur des sujets qui ne nous sont pas familiers, le scepticisme ambiant permettant d'affirmer tout et son contraire, ...

En définitive, la bibliographie est encore la partie la plus intéressante dans ce livre. En dehors des ouvrages déjà cités, Frankfurt mentionne également: "De Mendacio" de St-Augustin. Bref, il donne quelques pistes à suivre à qui voudrait approfondir le sujet.

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