Poème de Noël

Les traditions se perdent. Heureusement, mon petit neveu a semblé se souvenir d'un de ces rites empoussiérés.

C'est avec fierté que je l'ai écouté réciter le poème qu'il avait écrit à Germaine à l'occasion de la remise des cadeaux.
Jugez par vous-même:


Ronde des Cadeaux

Germaine, sans être ma cousine,
Votre souhait, j'y opine,
Il faut qu'on en convienne, Germaine,
Qu'après un long dodo,
Chacun ait son présent.

Les chaussettes sont pleines, Germaine
Vidons-les sans prolégomènes
Prénoms et cadeaux, en une folle danse,
jouent aux correspondances.

Aglaé trouve ses azalées,
À Renée son beau bonnet,
À Francoise, les framboises nicoises
Gertrude a toute ma gratitude,
Cunégonde aura sa mappemonde et Radegonde sa perruque blonde
Raymonde une table ronde,
Véronique des serviettes hygiéniques,
À Éliane des lianes, Élodie une mélodie,
Pour Désirée une toile cirée, à Thais la crêpe au mais

Mais, à vous Germaine, que reste-t-il?
À trop chercher, je me sens tout débile!
Silène a déjà un tatouage sous l'aine,
Carmen, un livre de Henri Heine,
Julienne, un séjour dans un hôtel cher du Maine.

Vous plaire, Germaine,
Quelle tache sysiphéenne!
Où cela nous mène!
J'y suis Germaine, à vous les cyclamens!

Ainsi soit-il.
À Germaine les cyclamens!

Seule faute de goût, les cyclamens étaient blancs, symboles de pureté. Et pourtant Germaine a vécu heureuse avec  beaucoup d'enfants.

Folle de la messe?

Je me suis demandé s'il s'agissait d'un canular, mais on peut acheter ce livre pour environ 12$:
"La Position du missionnaire / Mère Térésa en théorie et en pratique"

 Si c'est pas vendeur ça, coco! Inutile de préciser que le livre ne doit pas être gentil tout plein.
L'autre titre envisagé était "Sacred Cow" [~"Vache Sacrée"], mais selon l'auteur, cela aurait été de mauvais goût.

Pour les détails, voyez Wikipédia (en)

Cercle polar

Le meilleur dans les polars, ce sont souvent les titres. Cette rubrique, mise à jour au fur et à mesure, sera l'occasion d'en évoquer. Avec parfois résumé à la clé.

1. "Le maniaque de la presse"
Une plongée dans le milieu viticole

2. "Exquis maux"
Une plongée dans le milieu sado-maso

3. "L'empire de l'essence"
Thriller avec cheikhs en blanc et agents secrets en noir.







Lu pour vous: Joachim Zelter

Zelter n’aime pas les intrigues, il nous raconte ce qui advient du point de vue son personnage principal.

Celui-ci est toujours déplacé, ayant l’impression de jouer un rôle et surveillant les réactions de son public.
Ainsi du jeune homme qui ne sait pas lire [“Die Würde des Lügens”, ~ “Noblesse du mensonge”], du docteur en philologie anglaise amené à enseigner l’allemand dans une université américaine [„Briefe aus Amerika“, c.à.d. „Lettres d’Amérique”] ou encore de l’homme politique souffrant d’amnésie suite à un accident de voiture [“Der Ministerpräsident” ~ “Le Ministre-Président” / ”Le premier ministre”].

Le héros tente de se fondre dans ce monde auquel il semble étranger. Il est spectateur de son devenir, cherchant à s’adapter
Malgré ses efforts cependant, le décalage demeure, source de malentendus comiques.

Extrait avec l'aimable autorisation de l'auteur et de l'éditeur
Le Ministre-Président [~Le premier ministre]


Page 1

Ce qu'est un dimanche, je voulais le savoir. Car c'était dimanche. C'est ce que la doctoresse m'avait dit. Donc je lui demandai ce que c'était, un dimanche. Et sa réponse fut: un dimanche, c'est un jour. Un jour parmi d'autres. Il n'y a pas seulement un jour mais beaucoup de jours. Aujourd'hui un jour, demain un jour, après-demain un jour... C'était limpide.

Je voulus un chiffre, une approximation, combien de jours pouvait-il bien y avoir: 300 jours, 600 jours, 1000 jours? Non, dit la doctoresse, il y a sept jours. Seulement sept jours? C'était peu. Elle me demanda si par hasard je connaissais certains de ces jours? Non, aucun de ces jours ne m'était connu. Elle me cita le dimanche comme exemple. C'était un jour, dit-elle. Si peut-être d'autres jours me venaient à l'esprit? Et je dis Lunedi. C'était un jour qui me venait à l'esprit. Et elle dit: oui, c'est presque ça, lundi, sans la lune et elle cita d'autres jours: mardi, mercredi et je lui nommais les jours restants, jeudi et vendredi et samedi et elle était contente.

Sept jours, quatre saisons, dix doigts, douze mois, 26 lettres dans l'alphabet et beaucoup d'autres...”

À noter que ce roman faisait partie des livres sélectionnés pour le prix du livre allemand [ Deutscher Buchpreis ] 2010, une récompense destinée "à répondre aux besoins des supermarchés culturels en manque de bestsellers" selon certaines mauvaises langues.

Le livre est disponible en allemand chez Klöpfer & Meyer:

Joachim Zelter
Der Ministerpräsident. Roman
2010, 192 pages, relié avec couverture
ISBN 978-3-940086-83-9
€ [D] 18,90 / [A] 19,50 / sfr 28,90*

Pour ceux qui pensent à leurs poches, la version idoine est prévue pour février 2012 (190 pages, 9,95€ en Allemagne, 14,90 CHF
ISBN 978-3-86351-103-6)

Sur le web:
A pior Banda do Mundo (Vol.1)
O Quiosque da Utopia



Extraits de la bande originale de cette BD, où le groupe joue en fait un rôle marginal:

"Diminuendo and crescendo in blue", de "At Newport, 1956", Duke Ellington:


"Well, you needn't", de "Monk's Music",  Thelonius Monk, Riverside 1957:



"One for my Baby", de "Songs for distingué Lovers", Billie Holiday, Verve 1957:





"Blue Train", John Coltrane, Blue Note 1958:




"Ah Um", Charles Mingus, Columbia 1959:




"Soul Station", Hank Mobley, Blue Note 1960:




"New Delhi" de "The Cannonball Adderley Quintet Plus", Riverside 1961:





"Winter Moon","Stan Getz with guest artist Laurindo Almeida", Verve 1963:




"Free for All", Art Blakey & The Messengers, Blue Note 1964:




"The minimalism of Erik Satie", Vienna Art Orchestra:




"No pain for cakes", Lounge Lizards, Island 1987:



"Where in the World", Bill Frisell, Elektra/Nonesuch 1991:




["Madame Marie's Temple of Knowledge", Kamikaze Ground Crew, New World 1993] en remplacement, "Duke's Entrance", du même groupe:



"Grand Guignol", Naked City, Avant 1993:



"Carnet de routes", Aldo Romano/Louis Sclavis/Henri Texier, Label Bleu 1995:




"Fábula", Maria João, Verve 1996 (pas trouvé):

en remplacement "Valsa Brasileira":



"Azul", Carlos Bica, EmArcy 1996









L'image du jour

Penser à ne pas oublier
"Racheter des Post-its"

Comment résoudre cette étude
[For the original english version of my article, go to chess.com ]


Les blancs jouent et gagnent

Il s'agit de l'étude soumise à la sagacité des joueurs sur chess.com le 13 mai 2011.
Vous pouvez tenter de la résoudre de manière interactive sur leur site.
Comme d'habitude, certains trouvèrent la solution en moins d'une minute, d'autres indiquèrent que l'étude n'était pas correcte, pas intéressante, très longue, très intéressante, sans intérêt...

cyrooski posa une question d'un autre genre:

[...]

La question est donc: si un ordinateur peut résoudre le problème en une minute, juste en procédant à des permutations pour trouver le meilleur coup, est-ce ce qu'un joueur normal a fait ou bien s'agit-il d'un trait de génie qui va au-delà du pur calcul?

Cela m'a pris beaucoup de temps pour trouver la solution mais il n'y a nul besoin d'être un génie pour y parvenir. Celui qui a composé l'étude, en revanche, était très doué. Un génie?
Pour trouver la solution, inutile d'essayer tous les coups comme un ordinateur. Il y a une approche plus humaine.


En préambule, il me faut remarquer que peu d'êtres humains parviendront avec tant de méthode à la solution.
Parfois, vous vous trouvez en train de fixer l'échiquier, à vous demander ce que vous faites là. Mais les principales étapes du raisonnement pour la plupart d'entre nous sont probablement bien décrites dans ce qui suit.


La position semble désespérée pour les blancs. Dans 3 coups, les noirs vont faire dame. Sans ce pion, les noirs seraient perdus.

Que peuvent bien tenter les blancs?

I. Prendre le pion.

Impossible si on ne parvient pas à gagner un temps d'une manière ou d'une autre.On se retrouve à juste pourchasser le pion. C'est facile à voir en déplaçant (mentalement) les pièces:  1. Cg6 f3 2.Ce5 f2 3.Cd3 f1-Q. Si vous n'aimez pas cette approche intuitive, vous pourriez vous demander: y-a-t-il un moyen d'arriver avec le cavalier en  f1 en 3 coups ou bien en f2 en 2 coups ou encore en f3 en 1 coup? Non, pas moyen.




II. Attaquer le roi noir [traduction à suivre]

Si l'on ne peut éliminer ce fantassin qui fait toute la fierté des noirs, le seul espoir est de mater. Quel pourrait bien être le tableau de mat? À ce stade, il ne s'agit pas de déplacer les pièces mais bien plus de définir un objectif. Quelle est la position dont nous rêverions? On se met donc à chercher la position idéale.

p.e. avec un Cavalier en e5 dans le but de jouer c4 mais ça ne marche pas car le roi peut s'échapper en a4:



Ou encore avec un Cavalier en c5 pour jouer a4 mais le roi peut cette fois-ci s'échapper en c4:



Vous en viendrez peut-être à penser au mat suivant:
Enlevez le pion c7, mettez le cavalier en b6 et maintenant le roi est dans la boîte!


Mat en un coup (2 solutions)

À moins que vous n'envisagiez directement à mettre le Cavalier en b2 avec toujours les mêmes deux menaces de mat:


Mat en un coup (2 solutions)

Il est maintenant temps d'étudier des suites concrètes et cela s'avère d'une facilité surprenante:

Voici le chemin du Cavalier vers b2: Ch8-g6-e5-d3-b2

Quelle coïncidence! En déplaçant votre cavalier vers b2, vous attaquez le pion des noirs, ce qui les maintient occupés! Oui, mais il y a toujours un problème: au moment de jouer Cb2, les Noirs ont déjà une Dame. Ce qui signifient qu'ils peuvent jouer Dg2 échec, attaquant le Cb2 par la même occasion. Il nous faut à tout prix éviter cet échec pour que notre idée soit viable. Et il n'y a qu'un seul coup qui le permette: 1. Cc6+. Si les noirs prennent le pion, nous pouvons poursuivre notre plan, il n'y a plus d'échec en g2. S'ils ne prennent pas le Cavalier, alors celui-ci va s'attaquer au pion et réprimer toute tentative de faire une Dame.
C'est ce qui explique que le premier coup à jouer est trouvé en dernier!

Bien que nous ayions trouvé l'idée principale, il reste encore beaucoup de mises au point à faire: que se passe-t-il si...?

P.e. Que se passe-t-il si après Nc6, le roi va en c4? Mais ces questions trouvent facilement des réponses.

Et nous pouvons confirmer: les noirs ne peuvent échapper à la défaite.
Café du Commerce: 
émeutes à Londres

Sacrés Bifteks! Toujours en avance pour les révolutions! Déjà deux révolutions rien qu'au XVIIè Siècle, puis la révolution industrielle...et maintenant ces "troubles", même si nouzôt' dans nos banlieues, nous avons la prétention de bien savoir flamber les bagnoles.
On est en quête d'explications devant une telle rage destructrice. Et souvent, celles-ci commencent par "je sais qu'on n'a pas le droit de dire ce genre de choses mais..." ou bien "ce n'est pas de bon teint mais...".
Mais quoi?
Cette arabesque permet ensuite de faire remarquer sans pouvoir être taxé de racisme que ce sont surtout des personnes "de couleur" que l'on retrouve dans ces émeutes.
Cela rappelle le "je ne suis pas raciste mais...", formule maintenant usée jusqu'à la corde qui vous signale désormais comme ami d'un certain terroir et des bonnes vieilles traditions.

Si l'affirmation vient d'un raciste, s'en défendre par un préambule est encore compréhensible.
Mais si les faits semblent aller contre vos convictions, liberté, égalité, fraternité, amour du prochain et tout le tremblement, afin de ne pas se voiler la face, il vous faut également vous embarrasser de formules.
On se sent prit en défaut de dire ce que l'on observe. Cette crispation du langage est déjà le signe d'un malaise et ne laisse pas présager qu'on arrêtera demain de brûler des voitures.
Lu pour vous
"Légendes urbaines / Rumeurs d'aujourd'hui" de Véronique Campion-Vincent et Jean-Bruno Renard, éditions Payot & Rivages 1992, 1998, 346 pages pour 360 g.



Après une brève introduction où les auteurs redorent le blason du folklore ("savoir du peuple"), en évoquant les nuances existant entre la rumeur brève ("Elvis n'est pas mort"), le mythe, l'histoire drôle, la fable, le conte, ...

Les légendes modernes sont des histoires souvent transmises par un "adua" (ami d'un ami, "foaf", friend of a friend en anglais) faisant appel à nos conceptions de ce qui est normal, tout en laissant la place à une morale ambiguë que l'auditeur décryptera comme bon lui semble. La vérité ou la fausseté de ces récits importent peu. Ce qu'ils ont à dire est ailleurs. Ils se fondent en général sur notre peur de l'étranger ou de la nouveauté.

Le livre dresse un catalogue de ces histoires, en partant de 'a' comme "alligators dans les égouts", jusqu'à 'v' comme "voyou à la chaîne".
Un survol des thèmes abordés (cliquez sur l'image)

La structure de chaque article est toujours la même:
- description de la légende et de ses variantes aussi documentée que possible, à travers les journaux ou la littérature quand celle-ci en a fait usage.
- interrogation sur la véracité du récit
- signification de l'histoire

La recherche en France  sur le sujet a manifestement du retard dans ce domaine si l'on compare au pays anglo-saxons où les histoires ont systématiquement été répertoriées puis numérotées par différents auteurs.

Pour finir, je ne résiste pas à la tentation de vous recopier une petite histoire drôle (de la fin des années 50) du chapitre sur le voleur dupé, qui montre que toutes ces histoires ne transmettent pas nécessairement une morale réactionnaire:

Une provinciale imbue de son importance, très choquée d'avoir été placée à côté d'un Africain dans un dîner officiel, ne cesse de parler petit nègre à son voisin pour lui commenter les plats: "Ya bon kougloff", explique-t-elle à l'arrivée du dessert. Cependant, l'Africain n'est autre que l'agrégé de grammaire française Léopold Sedar Senghor, hôte d'honneur du repas, qui prononce un discours éblouissant et se rassied en disant aimablement: "Ya bon discours" à sa sotte voisine ébaubie.

Ya bon livre!

NB: les auteurs animaient un réseau d'échange sur les légendes contemporaines et donnent leurs adresses  à la fin du livre pour ceux qui souhaiteraient y participer. J'imagine qu'entretemps on peut les trouver sur le net.


Pour commencer:
La page wiki sur le sujet, comme souvent, pourrait constituer un point de départ intéressant.
Matchs des candidats 2011, Kazan Tatarstan

Kramnik et Radjabov, leur conférence de presse d'après-match


La pendule s'est tout simplement arrêtée - Kramnik et Radjabov commentent l'incident

 
La vidéo en HD sur le site de la fédération russe des échecs est l'un des points forts des matchs des candidats à Kazan, le gros inconvénient étant que les commentaires sont exclusivement disponibles en russe. Hier, par exemple, ceux qui ne parlent pas le russe ont manqué les explications à chaud d' Ilya Levitov (président de la fédération russe, vice-président de la FIDE et membre du comité d'appel) concernant la défaillance de la pendule ou encore un commentateur indiquant la fin de la partie en perpétuelle juste avant que Radjabov ne le permette puis le criant presque: "perpétuelle!" quand cela fut joué.

Mais ce sont surtout les conférences de presse après les parties qui constituent la plus grande perte pour le public non russe.

Il faut reconnaître que les joueurs ne se sont pas toujours montré bavards (Kamsky et Topalov n'allant pas au-delà de quelques phrases entre eux certains jours!) , mais en général ils ont été plus loquaces.

On a eu droit à l'étrange spectacle de Boris Kutin commençant les conférences en anglais, de joueurs comme Gata Kamsky et Levon Aronian commençant à parler des parties en anglais... et des journalistes insistant pour qu'ils continuent en russe!

Vladimir Kramnik et Teimour Radjabov font partie de ceux qui se sont le plus exprimé, et cela fut encore le cas une fois leur match fini. En fait, Kramnik était manifestement épuisé, Radjabov, plutôt que de se montrer anéanti par la défaite comme Topalov, entra dans de nombreux détails concernant les départages et le match. mishanp  du site  Chess in translation n'a pu suivre toutes les analyses effectuées à grande vitesse, mais les 2 joueurs nous ont vraiment mieux fait comprendre les enjeux du match. Certains détails importants furent communiqués, par exemple le fait que Kramnik offrit la nulle dans le troisième blitz qu'il finit par gagner et on obtint plus de détails sur cette satanée pendule.

Avant la conférence de presse...


Des indications du moment où les commentaires ont étés faits sont incluses dans le texte de la conférence, pour ceux qui souhaiteraient  revoir la video en ayant déjà une idée de ce qui se dit à ce moment-là.



Après une brève entrée en matière par Boris Kutin:

Kramnik: (21:02:30) Le match a été extrêmement dur. Il ne me reste plus de force, il est donc bon d'avoir 2 jours de repos. En général, le match a été totalement équilibré. À la fin, c'est juste la chance qui a penché d'un côté. J'ai été le plus chanceux. Le match était totalement équilibré mais il fallait que quelqu'un gagne et quelqu'un perde, et il s'est avéré que j'ai gagné. Nous nous sommes tous deux battus durement, le combat fut tendu et, je le répète, j'ai juste été plus chanceux. Bien sûr, je suis content, mais d'un autre côté je me mets à la place de Teimour et je comprends que perdre un tel match est des plus déplaisant. Mais c'est la vie. Que voulez-vous y faire? Je voudrais le féliciter pour sa qualité de jeu et sa bonne préparation. Il s'agit d'un des matchs les plus durs de ma vie à ce jour. Je peux voir que Teimour a fait de très sérieux progrès, que sa préparation a été excellente et qu'il s'est amélioré. C'est peut-être l'un des plus durs adversaires ici. Je comprends et je compatis parce qu'il y était presque, il était à deux doigts de gagner mais, que voulez-vous, c'est le sport.

Radjabov: (21:03:54) Oui, merci bien sûr, pour une telle appréciation. Je suis content que ma petite contribution au Gambit de la Dame ne soit pas passée inaperçue. (sourires) Quand j'ai obtenu cette position avec Tour et Fou  [dans le deuxième blitz], honnêtement, j'ai eu le sentiment que quelque chose de désagréable allait survenir, que la réussite me quittait.Dans la première partie, il est clair qu'il y a eu beaucoup d'erreurs, objectivement, mais j'ai trouvé cette belle idée 38. Ch6 et 39. De5.

Radjabov vient de jouer 38. Cf5-h6!
Kramnik: (21:04:22) Je l'avais vue, mais j'espérais trouver quelque chose...

Radjabov: Nous n'avions que quelques secondes… J'ai pensé la même chose. Je cherchais et cherchais. Quand je me suis décidé pour Ch6, il fallait bien sûr que j'aie vu De5. Sinon à quoi bon sacrifier un cavalier? En prenant en f6 avec la tour, peut-être qu'il y a quelque chose. Mais bon, il faut le calculer. C'est une autre question. Donc j'ai l'impression que j'ai bien joué la première partie, d'un point de vue pratique et en ce qui concerne les calculs, si on prend en considération qu'il s'agissait d'un blitz. Les parties semi-rapides, c'était un peu comme de la boxe. Qui va porter un coup, ou en laisser passer un, mais je pense que nous avons joué de manière assez précise. Dans la première de ces parties, dans laquelle je pense que je n'avais pas une position très agréable, pour ne pas dire mauvaise, il y avait du jeu pour les pièces et peut-être que Cxf7 marchait. Mais je laisse les gens analyser la position. Après, je pense que le blitz a été très intéressant. J'ai tout donné à ce moment-là et le match était pratiquement gagné quand j'ai obtenu cette finale de Tour et Fou... mais c'est alors que j'ai fait un mauvais coup avec mon roi, aucun doute, en le mettant p.ex. en f6, il se retrouve dans un réseau de mat. Un choix vraiment pas d'ordre pratique. Peut-être que je n'aurais même pas dû prendre le pion 'b'. De toute façon, analyser les blitz, c'est toujours une affaire... Dans la troisième partie Vladimir Borisovich m'a proposé nulle à un moment. La position était quasiment nulle, mais j'avais l'impression qu'il y avait encore des variantes où je pouvais continuer à faire pression. À base de tours sur la colonne 'e'. Après l'échange d'une paire de tours, c'était un peu difficile à jouer car la tour peut toujours se rendre en e6 et le pion d5 fixe toute l'aile dame des noirs. J'ai fait quelques erreurs vers la fin, bien sûr. J'ai sans doute trop retenu l'attaque et j'aurais dû jouer Rh6 plus tôt, et Tf5 pour prendre en d5, pour se débarasser de tous ces pions. La position est probablement nulle.


La main de Radjabov tremblait - il ne lui restait que 4 secondes pour jouer 60. Rf1!

Dans la dernière partie, j'ai eu des occasions. À la fin, honnêtement, après 59. ... De3+, j'aurais probablement pu jouer 60. Rf1, c'est à dire qu'il faut calculer 60. ... Df4 61. Dxf4 gxf4 62. Rf2 et ensuite, dans une situation où les noirs ne peuvent se permettre de perdre, il est désagréable de faire face à Rf3-g4 suivi de prise en h4. Le roi arrive-t-il à temps en f5 - ce n'est pas enthousiasmant non plus. Il semble qu'une telle position est déjà gagnée pour les blancs, très vraisemblablement. Bien qu'il y ait peut-être 60. ... Td8 61. d7 De5. Bon objectivement, ce n'est peut-être pas gagné, qui sait. En principe, les noirs peuvent juste attendre. Je ne sais pas. Peut-être qu'on ne peut pas progresser.

Kramnik: (21:07:00) Il ne restait que quelques secondes. Tout pouvait arriver.

Radjabov: Oui, tu joues à l'instinct. En prenant du recul, il semble qu'une partie ait fait penché la balance dans un match très dur et complexe. Il y a eu des nulles de 25-27 coups, mais elles ne vous disent rien. Presque tout s'est passé à la maison, nous regardions en permanence les variantes principales, améliorant tout le temps le répertoire. Il y avait une énorme quantité de variantes, tant d'embranchements que les noirs peuvent choisir ou de possibilités pour les blancs d'exercer une pression. Nous devions tout regarder. À mon avis, un très très gros travail a été réalisé. Et nous avons abouti à d'innombrables gambits dame, c'était presque Capablanca – Alekhine (sourires). Dans ce cas, je ne sais pas lequel je serais. Mais 1. d4 d5 2. c4 e6, je n'ai vu cela récemment que dans les parties d'Anand et Topalov, et c'est une ouverture du bon vieux temps. Bon, il y a eu le match Kasparov – Karpov, bien sûr, mais récemment je ne crois pas qu'on en ai vu tant. Parce que presque toutes nos parties, les 8, bon, il y a eu une catalane, mais toutes les autres furent des gambit dame. On a donc vraiment exploré cette ouverture.

Kramnik: (21:08:18) On a fait progressé la théorie.

Radjabov: Oui, on a un peu fait avancer la théorie. Bien sûr, ce ne fut pas agréable. Bien sûr, je voulais gagner, et j'ai eu de bonne chances de le faire, après le premier blitz., mais cette défaite si fâcheuse semble avoir été le tournant du match. Peut-être que si j'avais accepté la nulle dans la troisième partie, j'aurais eu une chance. Mais ça n'a même pas de sens d'analyser. C'est du blitz. L'enjeu est énorme. La tension maximale. Les deux joueurs ont les nerfs à vif, cela conduit à des erreurs que vous ne commettriez pas en faisant des blitz sur internet. À un moment donné, cela s'est joué aux nerfs, particulièrement dans la dernière partie. Les noirs avaient la nulle avec 37. ... Dxe5+ au lieu de 37. ... Tc8. Les noirs sont même mieux, avec  Td6 à suivre.
Kramnik: (21:09:06)  Oui, je voulais forcer la nulle. Je pensais qu'après 38. Dd6 Tc3+ 39. Rh2 Txh3+ 40. Rg1 Th1+ c'était nulle. Mais d'abord, la nulle n'était peut-être pas forcée, peut-être qu'il y avait une fac,on plus simple de faire nulle. Mais j'avais tellement envie de faire nulle. Bon, il est difficile de commenter quoi que ce soit pour l'instant. Les nerfs, la fatigue ont joué. Et il ne faut pas oublier combien le calendrier est serré, nous avons joué 5 jours d'affilée, et aujourd'hui c,a a été le plus difficile des matchs. Nous étions donc fatigués ou du moins je l'étais. À la fin, je jouais simplement à la volonté, comme on dit. J'étais si fatigué qu'il m'était difficile de réfléchir. Bon, je pouvais réfléchir un petit peu.

Une question sur la pendule

Kramnik: (21:10:05) À un moment donné, après un coup, elle a cessé de fonctionner, je ne sais pas pourquoi.. Je ne sais pas ce que l'on est censé faire dans une telle situation. Je leur ai demandé de lire le règlement et d'en suivre les recommandations. En fait, il ne semble pas qu'il y ait quelque chose d'écrit là-dessus où que ce soit, ou plutôt, il y a des règles pour les parties longues mais apparemment pas pour le blitz. Donc je ne sais pas. D'un autre côté, la position était nulle objectivement. Mais j'ai considéré que les circonstances étaient contre moi (bien que les choses tournèrent autrement), parce que pendant que la pendule est arrêtée, il est toujours possible de réfléchir. C'est normal, on ne peut le reprocher à personne. Je voulais juste être mis au courant du règlement. J'ai demandé... mais il semblerait qu'il n'y a rien de clairement écrit. Le principe, ou l'esprit, semblait être que nous devions continuer la partie avec le même temps. Alors nous avons continué.

Apparemment, ils avaient choisi la mauvaise pendule!


Une question sur le temps restant.

Radjabov: (21:11:09) C,a a immédiatement affiché 0:00.

Kramnik: L'écran s'est juste éteint. Impossible de voir quoi que ce soit.

Radjabov: On pouvait voir quelque chose, mais juste 2 zéros.

Kramnik: Oui, just 2 zéros. Je n'avais jamais rien vu de tel auparavant.

Une autre question sur la pendule

Kramnik: (21:11:26) Je ne sais pas ce qui se passe habituellement. C'est la première fois que c,a m'arrive. Je ne sais pas pourquoi c,a a soudain cessé de fonctionner. Et après, je n'ai pas pensé que j'avais la moindre chance parce que la position était nulle. Je pensais juste que, comme il ne nous restait que quelques secondes, il pouvait toujours arriver quelque chose... Puis il y a eu cette interruption, j'ai vraiment pensé que c,a allait me tuer. Mais il s'est avéré que j'ai tout simplement été chanceux. C'était une situation étrange.

On demande le point de vue de Radjabov.

Radjabov: (21:12:03) Pareil. Ce qui est arrivé était clair. La pendule s'est éteinte. C,a arrive avec ces pendules. Elle peuvent se casser si vous appuyez trop fort dessus. Ce n'est pas courant, mais parfois vous tapez dessus et c,a arrive. Le type de pendule ne joue aucun rôle là-dedans. Si vous tapez dessus aussi fort que nous...  (Kramnik sourit)

Kramnik: (21:12:26) Je ne joue pas au blitz si souvent, donc je pense que c'est la première fois pour moi que les chiffres ont simplement disparu. Même dans ce tournoi de blitz [championnat du monde de blitz, Moscou 2011?], il y a eu des problèmes avec les pendules mais je ne me suis jamais retrouvé dans cette situation où la pendule rend l'âme. Pourtant tout le monde tapait fort. Mais d'accord, cela peut arriver. Pour moi, il s'agissait d'une mauvaise nouvelle - c'est comme c,a que je l'ai ressenti, mais si en définitive j'ai eu de la chance. D'un autre côté, je ne sais pas, il serait peut-être bon d'améliorer les pendules pour qu'elles ne cessent plus de fonctionner.

Une question sur la fac,on dont le temps restant a été déterminé.

Kramnik: (21:13:05) Je n'ai pas vu. Les arbitres ont tout rétabli, ils ont probablement vu le temps restant sur la vidéo. Je n'ai absolument pas vu combien de temps il restait à ce moment. Ou bien l'arbitre avait vu. Nous n'avons pas eu le temps de regarder. Je ne sais pas combien de temps il restait.

Radjabov: (21:13:26) 21 (secondes?) à 12 en faveur des blancs. La position était telle que, honnêtement, après Fc2, je ne sais pas si, disons 5 secondes auraient fait la différence. Je ne voyais pas quoi jouer après Fb3.

Une question (probablement pour savoir si l'interruption avait aidé Kramnik à trouver le coup)

Radjabov: (21:13:59) Bon, il est plus que vraisemblable qu'il aurait vu Fc2.

Kramnik: Oui, c,a s'est goupillé comme c,a, mais si Teimour n'avait pas commis une erreur, alors les rôles auraient étés inversés. Tout professionnel vous dira qu'objectivement la situation est en faveur du plus faible, 100%. Que les choses aient tourné autrement, c'est une autre affaire. J'étais très mécontent de cette situation, et il y avait des témoins. Je pensais que cela me privait de certaines chances.

Un interviewer dit qu'il doute de l'objectivité de Kramnik…

Kramnik: (21:14:37) J'ai également des doutes quant à votre objectivité (sourires). Autant passer cette question.

Kramnik: -Je doute aussi de votre objectivité!


Une question sur le fait de jouer tant de parties rapides puis des blitz le même jour.

Kramnik: (21:14:57) Bon, je considère que jouer 4 parties, c'est normal. Bien sûr, n'en jouer que 2 serait mieux, pas aussi fatigant, mais pour un match aussi important... On veut réduire la part de chance. De mon point de vue, c'est normal. Les opinions diffèrent.

On demande l'opinion de Radjabov.

Radjabov: (12:15:17) Sur le règlement? Il était normal. Il faut se battre. Nous sommes tous venus pour nous battre pour un titre important, pour atteindre le sommet. Il faut travailler. Une partie par jour et deux jours de repos. C'est tout à fait normal. De plus 4 parties rapides, ce n'est pas la même chose que 4 parties longues en une journée, comme Bronstein par exemple l'a suggéré. Ou bien qu'est-ce qui a été recommandé, 8 parties rapides en même temps. Les opinions diffèrent. Mais je pense qu'en principe le règlement était normal. Je ne vois aucun problème, d'autant moins qu'il y a 2 jours de repos après le match.


Bien que Radjabov n'ait pas pris position par rapport à l'interprétation faite par Kramnik de l'incident de la pendule durant la conférence de presse, il en parla plus tard dans une   interview pour Azerisport.com:

Vous étiez proche de la victoire. Dans quel mesure avez-vous été affecté par ce problème de pendule?

J'essaie d'évaluer la situation honnêtement. Oui, J'étais à 5 à 10 secondes près de la qualification. Mais à quoi bon y penser maintenant? Le premier blitz s'est vraiment bien déroulé pour moi. C,a m'a mis mieux disposé pour la suite et dans la deuxième partie, les choses tournaient également en ma faveur. He bien, vous connaissez aussi bien que moi la suite.

Cela a joué en faveur de votre adversaire?

Sauf mon respect pour Kramnik, cela l'a plus favorisé que moi. On peut passer une éternité à en débattre. Je pense que j'ai fait tout ce que j'ai pu. Je ne peux pas dire que j'ai mal joué. En plus, j'ai senti la victoire proche. J'ai tout simplement manqué de chance. Après ce problème de pendule, tout est allé de travers. C'est un cas de manque total de chance.
La fausse bonne idée du jour

Tous ces messages à la fin des courriels, tels des notes en bas de pages en tous petits caractères dans lesquels l'expéditeur nous dit qu'il n'est pas prêt à assumer ses propos. Parfois, il va même jusqu'à retourner le propos pour nous inviter, nous, à être responsables:


Évidemment, dans les bureaux, les courriels étant quasiment une fois sur deux imprimés, voilà l'effet pervers de cette invitation à la vertu: plus de papier utilisé, moins de forêts...