Bière allemande?
Pour combien de temps encore?


Pourquoi devrait-elle s'évaporer, cette boisson souvent associée à ce peuple, alors qu'elle bénéficie d'une si longue tradition et que de si nombreuses variétés sont disponibles?

La première raison est plutôt simple: les allemands en boivent de moins en moins.
Une révélation qui choquera quelques alcoolos: pour faire de la bière, l'ingrédient principal, c'est l'eau. Et nos voisins d'outre-Rhin sont souvent fiers de boire une bière faite avec l'eau du village.
Certains vous diront même comment la proximité de la source avec le cimetière, donne ce charmant petit côté minéral à leur boisson chérie.






Bitburger, une bière qui doit son succès en France à son slogan
: "Bitte ein Bit!"










Comme chacun veut sa bière, et pas celle du voisin, le marché se voit morcelé entre une multitude de petites brasseries. On ne trouve pas de producteurs dominant le marché.
Pas de production de masse donc. Les coûts de production s'en trouvent nettement plus élevés que ceux des grands groupes internationaux qui rachètent au fur et à mesure les fabricants locaux. L'Allemagne, champion des exportations, ne peut imposer ses bières sur les marchés étrangers et, un jour ou l'autre, les allemands n'auront d'autre alternative que de boire de l'export suédoise, hollandaise ou brésilienne.
Un espoir subsiste: que la bière passe du statut de "pain liquide" à celui de produit de luxe






En espérant que la charmante dame de la Tannenzäpfle n'en perdra pas le sourire!







C'est ce qu'on pouvait déjà lire en 2003 dans un article du journal "Die Zeit" , et ce n'est pas la recente expansion du plus grand brasseur mondial, InBev, avec le rachat d'Anheuser Busch, qui invite à revoir ces prédictions.
Il nous restera toujours une autre spécialité allemande sur laquelle nous pourrons nous pencher: la réglementation.
Notamment sur cette fameuse loi sur la pureté de la bière de 1516 si souvent évoquée avec fierté.
Ne pas parler en mangeant

C'est une des plaies des dîners de se sentir obligé de discuter de sujets anodins au détriment du plat principal.

Amélie Nothomb, dans "Ni d'Eve ni d'Adam" [pp. 145-146, Albin Michel, 2007], nous raconte comment les japonais ont réglé le problème en créant le métier de conversationneur. Plus de crainte d'avaler de travers, de parler la bouche pleine ou d'arborer innocemment la salade coincée entre ses dents, laissez au professionnel le soin de débiter des banalités!

En définitive, rien de si dépaysant. Combien de gens branchent la télé pendant les repas?
On pourrait aussi évoquer les "symphonies pour les soupers du Roy" de Michel Richard Delalande. Si l'on rembobine un peu plus l'histoire occidentale, on trouvera des orateurs flattant les convives. L'histoire de Simonide de Céos racontée par Aristote dans "L'orateur" II.86 l'illustre bien. Il récita une ode en l'honneur de Scopa, mais eût le malheur de faire un peu trop l'éloge de Castor et Pollux au détriment de son hôte fortuné.
Celui-ci en prit ombrage et ne voulut lui payer que la moitié de ses gages: le solde, c'est aux Dieux qu'il avait tant vantés qu'il devrait le réclamer. Au milieu du repas, Simonide fut appelé dehors où, lui dit-on, deux jeunes gens l'attendaient. Personne. Mais quand il retourna dans la salle du banquet, ce fut pour constater que le plafond s'était effondré sur la joyeuse compagnie. Les Dioscures avaient payé leur part à Simonide...

La fonction est toujours la même, meubler. Parfois de manière détestable, parfois en se confinant dans les banalités, parfois en touchant au sublime; mais meubler. Et cela ne devrait être nécessaire que lorsque la nourriture est mauvaise. Car qui mangera avec des gens qu'il n'aime pas?