Lu pour vous
"Légendes urbaines / Rumeurs d'aujourd'hui" de Véronique Campion-Vincent et Jean-Bruno Renard, éditions Payot & Rivages 1992, 1998, 346 pages pour 360 g.



Après une brève introduction où les auteurs redorent le blason du folklore ("savoir du peuple"), en évoquant les nuances existant entre la rumeur brève ("Elvis n'est pas mort"), le mythe, l'histoire drôle, la fable, le conte, ...

Les légendes modernes sont des histoires souvent transmises par un "adua" (ami d'un ami, "foaf", friend of a friend en anglais) faisant appel à nos conceptions de ce qui est normal, tout en laissant la place à une morale ambiguë que l'auditeur décryptera comme bon lui semble. La vérité ou la fausseté de ces récits importent peu. Ce qu'ils ont à dire est ailleurs. Ils se fondent en général sur notre peur de l'étranger ou de la nouveauté.

Le livre dresse un catalogue de ces histoires, en partant de 'a' comme "alligators dans les égouts", jusqu'à 'v' comme "voyou à la chaîne".
Un survol des thèmes abordés (cliquez sur l'image)

La structure de chaque article est toujours la même:
- description de la légende et de ses variantes aussi documentée que possible, à travers les journaux ou la littérature quand celle-ci en a fait usage.
- interrogation sur la véracité du récit
- signification de l'histoire

La recherche en France  sur le sujet a manifestement du retard dans ce domaine si l'on compare au pays anglo-saxons où les histoires ont systématiquement été répertoriées puis numérotées par différents auteurs.

Pour finir, je ne résiste pas à la tentation de vous recopier une petite histoire drôle (de la fin des années 50) du chapitre sur le voleur dupé, qui montre que toutes ces histoires ne transmettent pas nécessairement une morale réactionnaire:

Une provinciale imbue de son importance, très choquée d'avoir été placée à côté d'un Africain dans un dîner officiel, ne cesse de parler petit nègre à son voisin pour lui commenter les plats: "Ya bon kougloff", explique-t-elle à l'arrivée du dessert. Cependant, l'Africain n'est autre que l'agrégé de grammaire française Léopold Sedar Senghor, hôte d'honneur du repas, qui prononce un discours éblouissant et se rassied en disant aimablement: "Ya bon discours" à sa sotte voisine ébaubie.

Ya bon livre!

NB: les auteurs animaient un réseau d'échange sur les légendes contemporaines et donnent leurs adresses  à la fin du livre pour ceux qui souhaiteraient y participer. J'imagine qu'entretemps on peut les trouver sur le net.


Pour commencer:
La page wiki sur le sujet, comme souvent, pourrait constituer un point de départ intéressant.